Le monde est sens dessus dessous. Je peux sentir le sang affluer de tout mon corps vers mon visage. Biceps, Triceps et deltoïdes tiennent l'entièreté de mon être en équilibre. Mes jambes sont droites et pointent vers le ciel. Mes muscles supérieurs se contractent et commencent à souffrir des prolongations que je leur fais subir. La brise matinale baigne mon torse dénudé dans une fraîcheur bienvenue et apporte avec elle les fragrances de fleurs et de rosée. Le soleil venant d'éclore, enveloppe mon corps dans une chaleur agréable et fait scintiller la sueur qui perle sur ma peau. La faiblesse gagne du terrain. D'un mouvement ample et habile, je quitte l'équilibre de mes bras pour revenir sur mes jambes et redécouvrir le plaisir d'avoir les deux pieds sur terre et de sentir le sang retrouver son chemin naturel. Asuna m'encourage à travers un aboiement au timbre puissant. La douleur qui circule dans mes muscles est gratifiante. Je récupère enfin de mon affrontement. Les cicatrices ne sont plus qu'un reliquat de peau albâtre.

Profitant de ce faible répit dans mon entraînement quotidien, mes pensées vagabondent jusqu'à ce souvenir. Le Kirijin aveugle avait été un adversaire coriace. Je ne regrette pas mon choix de l'avoir achevé. Il était bien trop fort et tenace pour accepter la reddition. C'était lui ou moi et notre différence de niveau avait décidé de l'issue de ce combat. Enfin, je dois reconnaître que cette différence était minime vu l'état dans lequel j'ai fini le combat. Plusieurs jours de repos avaient été nécessaires pour me remettre sur pied et sans me vanter, c'est un fait plutôt rare. Je prends du plaisir dans l'adrénaline du combat, mais jamais dans le fait d'ôter la vie à un autre. La mort fait partie de la destinée de tout shinobi, ce n'est pas pour autant qu'il faut la chercher. Le souvenir de ce Oinin m'habitera longtemps, je le sais. C'était un excellent combat et il a prouvé plus d'une fois sa valeur. Il mérite sa place au Panthéon des ninjas.

L'aboiement puissant d'Asuna me sort de ma rêverie. Ma compagne est également mon entraîneuse et nulle n'est plus sévère qu'elle. Mes exercices se poursuivent sous le regard avisé de ma partenaire. Je renforce ma charpente, j'aiguise mon esprit et me concentre sur la répartition de mon chakra. Alors que je suis à cette dernière étape, un nouveau cri canin me sort de ma rêverie. Un inconnu approche de nous. Son odeur le précède. Je suis à l'affût et au loin, j'observe sa silhouette, apparemment lieu aussi est en train de pratiquer. Il ne me faut pas longtemps pour savoir à quel clan appartient cet étranger. Tout en lui porte les stigmates de son clan. La crinière charbon, les yeux tristes et l'impression qu'il porte sur lui toute la misère du monde. Je ne ressens pas vraiment de pitié ou de compassion pour ce clan maudit. Je reconnais leur force, mais ne peux m'empêcher de les considérer comme des poseurs, férus de politique et se complaire dans la prétendue renommée ou puissance de leur famille. Dès que le rejeton de ce clan réprouvé est a porté de voie, je l'interpelle :

"Tiens... Un petit Uchiha qui vient s’entraîner de si bon matin ? Qu'est ce qui se passe ? Le prétendu talent de votre engeance commence à s'étioler ?"

Un sourire mutin se dessine sur mon visage. Asuna grogne juste à côté de moi, partageant mon aversion pour les individus qui ne font pas partie de ma meute. Le railler n'est pas vraiment dans mon programme, mais si ce petit morveux peut apporter un peu de variété dans mon entraînement, ce n'est pas de refus. Les Inuzuka ne sont pas aussi prestigieux que les Uchiha, mais étant de 10 ans son aîné, je ne peux pas m'empêcher de le toiser de haut. Je ne le vois que comme un garnement tout juste sortie des jupons de sa famille chérie. Je vais peut-être devoir le faire entrer dans la cour des grands.

L’entrainement et encore l’entrainement. Perfectionner chaque petit détail, chaque maîtrise, chaque mouvement pour qu’il soit parfait. Reito était de ces hommes qui ne cessaient, qu’il vente ou pleuve, de jour comme de nuit, de s’entrainer. Même si son rang actuel dans le village lui permettait d’être reconnu pour son talent, il savait pertinemment qu’un renommée s’acquiert difficilement, mais au contraire se perd facilement. Ses expériences passées avec les membres de sa famille, avec son père et surtout le clan Senju, lui avait fait vite comprendre cet aspect du monde shinobi. Il était donc devenu, depuis qu’il était enfant, un bourru de travail. Lui, le raté était aujourd’hui considéré comme l’un des plus puissants Uchiha de sa génération et ce n’était pas pour rien.

Alors, comme chaque matin, il se prépara doucement dans sa demeure. Il se leva de son lit avec une motivation à toute épreuve et s’empressa d’aller prendre une douche avant de s’habiller. Le soleil commençait à peine à se lever et pourtant, lui était déjà debout. L’avenir appartient aux personnes qui se lèvent tôt et le membre du clan maudit, lui, ne dormait que rarement. Après avoir enfilé son plus beau survêtement, le gris, celui frappé du symbole de son clan sur le dos, il se dirigea d’un pas lent mais assuré en direction du mont Hana. Aujourd’hui, il avait prévu une séance d’entrainement un peu spéciale. Il fallait en effet changer de temps en temps pour éviter à son corps de souffrir d’une fatigue chronique mais trop facilement présente pour un ninja. Changer de programme permettait aussi, pour sa style de combat, de s’étoffer un peu plus. En effet, il tentait de devenir un shinobi complet par excellence. Par complet, il entendait maîtriser tous les styles de combat, tout en privilégiant le sien bien entendu. En tentant d’être cet homme, ce combattant chevronné, il se préparait chaque jour au pire pour être prêt à réagir à n’importe quelle situation.

Jusqu’ici, il fallait dire que ce style d’entrainement lui avait servi. Depuis qu’il s’entrainer aussi durement en variant les registres, les défaites se faisaient rare. Son corps, mais surtout son esprit d’analyse, s’adaptait à toutes les situations. Il réussissait à trouver une esquive improbable, un contre inopportun quand il le fallait. Et si vraiment il ne pouvait rien faire d’autre qu’encaisser, son corps résistait dans la plupart des cas à l’assaut car il avait préparé ce dernier.

Une fois arrivé sur les lieux, il entendit au loin un aboiement de chien et vit une silhouette qui lui était familière. Se rapprochant de plus en plus, il reconnut directement l’homme : Inuzuka Tora, chef de meute, Alpha comme il aimait bien se faire appeler. Au village il était quelqu’un de connu, de respecter par tous. C’était lui aussi un Jonin de rang A et il dépassait Reito de dix ans d’âge. Les deux hommes, à chacune de leurs rencontres, adoraient se toiser. Tora pensait être supérieur à Reito et ce dernier n’hésitait pas à le remettre à sa place quand il en avait l’occasion. L’âge c’est bien, il était peut-être son ainé et donc l’Uchiha avait du respect. Malgré ça, il n’était pas de ces hommes sur qui on piétine, loin de là d’ailleurs.

« Petit Uchiha ? » S’exclama l’homme aux yeux rougeâtres avant d’enchainer. « Très drôle. Venant d’un homme recherché par la brume pour crime, c’est très drôle. »

Oui, Reito avait eu vent de ces dernières nouvelles. Tora était recherché par la contrée de l’eau pour avoir tué un des leurs dernièrement. Comme si cela ne suffisait pas, une prime allait sûrement être mise sur sa tête. Sortir du village n’était donc plus très sûr pour lui, des vagabonds pouvant facilement lui tomber dessus pour tenter d’empocher le pactole.

« Qu’est-ce qui t’amène ici ? T’as fini toutes les croquettes donc tu t’es mis à la chasse ? »

Une petite pique, une. Comme à son habitude, l’Uchiha était plutôt cinglant. Entre les deux, de toute manière, ce n’était que ça. Leurs relation était assez forte, mais elle n’avait jamais changer depuis le début. C’était des piques, des moqueries, des rires. Pourtant, au fond de lui, l’Uchiha respectait grandement Tora et vice et versa.

Mes iris se dilatent. J'exalte à la propre idée de mon arrogance. Le fait de pouvoir me permettre parler ainsi, qui que soit mon interlocuteur, procure en moi un sentiment de puissance et de domination la personne en face de moi. Les autres sont souvent tenus par la peur de mon aura, de ma violence naturelle, de mon caractère impulsif ou tout simplement tenu en laisse par les principes de bienséances et de vie en société. Personnellement, je me fiche de tout ça. Les seules règles que j'écoute sont celles que je me suis fixées. J'ai acquis ce droit à la sueur de mon front et de mon propre entraînement. Je ne suis pas un de ces arrivistes privilégiés qui ont juste la chance de naître dans la bonne famille. Ma place a été forgée par mes mains qui, couvertes de cloques, en portent encore les stigmates. Les gamins des familles bien-nés ne gagnent mon respect qu'une fois après avoir prouvé leur valeur sur le champ de bataille. Il n'y a pas de passe-droit avec moi.

L'Uchiha semble avoir mal pris ma pique. Tant pis pour lui. Je dois avouer que je me rappelle à peine son prénom. Tsuri est un grand village, mais surtout, je me contrefiche pas mal du nom de mes collègues shinobi. Généralement, ceux sont des boulets. Mes muscles se raidissent. Mon souffle est court. J'inspire et expire bruyamment. L’essoufflement est le prix à payer pour avoir stoppé mon entraînement matinal. J'aurai dû ignorer sa présence. Ce petit guerrier ne méritait sûrement pas que j'altère mon programme d'entraînement. Il allait sans doute s'éloigner en baissant les yeux ou se contenter d'un regard agacé avant de s'éclipser. Peu nombreux sont les shinobis à ignorer mon caractère violent et ils sont encore plus rares ceux à oser me répondre en ayant eu vent de ma réputation. Tous des couards.

Un sourire amusé se dessine sur mon visage. Visiblement, cet Uchiha était pressé d'en finir avec son existence ou tellement arrogant qu'il pense pouvoir me tenir tête. Mes doigts s’enfoncent dans la paume de ma main. Je retiens mon désir d'abattre mes phalanges dans le visage de ce jeune prétentieux. Je n'ai aucune idée de son grade au sein de Tsuri, mais je ne vais pas me laisser ridiculiser sans rien faire. Ma respiration se fait plus lente. J'apaise l'envie de sang qui parcourt mon corps. Provoquer un nouvel esclandre en défigurant le chouchou d'une famille en vue de Tsuri n'est pas forcément une bonne idée pour le clan Inuzuka. Je peux laisser passer cette petite pique. Oui, j'en suis capable.

Mes yeux se froncent instantanément quand le jeune prodige ouvre de nouveau sa bouche. Cette nouvelle provocation était l'estocade de trop. Peu importe le clan, peu importe Tsuri, peu importe le pays du Feu, ce petit impoli vient de me manquer de respect et il est hors de question qu'Inuzuka Tora ne laisse passer ça. Je peux sentir le chakra se répandre dans mon corps et s’accumuler dans mon poing. Le sang se bouscule dans mes tempes, les faisant battre à plein régime. Les mots qui sortent de ma bouche ressemble davantage à un grognement enragé qu’à une phrase.

"Je vais te crever."

En un instant, mon poing se dirige vers le visage de mon adversaire, espérant faire partir ce petit sourire narquois de son infâme visage. Cet Uchiha va comprendre pourquoi je suis un Alpha tandis que lui n’est encore qu’un petit Bêta de sa meute. Qu’il prenne ce coup ou non importe peu, mon corps ne répond plus à mon cerveau, mais simplement a mon envie de violence, de faire mordre la poussière à ces clans qui ont l’habitude nous regarder de haut. Ma maîtrise du Taijutsu me permet de poursuivre l’assaut, mes poings se mouvent comme ceux d’un boxeur, cherchant à atteindre son visage tandis que mon genou tente de rencontrer son abdomen, espérant lui faire recracher son petit-déjeuner. Asuna observe l’affrontement en grognant et montrant les crocs. Prête à intervenir au moindre signe de ma part. Finalement, ce petit shinobi va constituer un entraînement de choix. Un punching-ball de chair et d’os.