« On doit punir, non pour punir, mais pour prévenir. »
▪ S'il était une déité régnant sur le sommeil du commun des mortels, elle avait sûrement oté à notre protagoniste toute chance de passer plus d'une poignée d'heures entre les draps. Tiré de sa torpeur matinale par les vociférations et autres vagissements des animaux servant de population au village de Kiri, c'est dans un soupir que le Chien Errant alla s'accouder à l'embrasure de la fenêtre, guignant la plèbe sans réelle conviction d'y trouver quelque chose d’intéressant. Quelques shinobis reconnurent ce visage auréolé par la noirceur ébène de sa crinière, le saluant respectueusement de part son statut de haut-gradé dans la hiérarchie militaire de l'infrastructure. Être épéiste était forcément synonyme de privilège, d'honneur. Kõsuke en était bel et bien conscient, c'était pourquoi il n'hésitait jamais à en profiter, pour le meilleur et pour le pire... Mais, surtout pour le pire.
Son marasme écrasé en même temps que sa cigarette consumée contre le crépis du mur de l'habitation vétuste à l'intérieur de laquelle il avait élu domicile, le corps saillant du manieur se mit en branle. Il avait passé les dernières heures du crépuscule dans les bras d'une Chônin peu farouche et le temps était désormais venu de s’éclipser. Il ne lui fallut pas forcer sur ses capacités pour s'extirper de ce cocon cosy sans réveiller sa partenaire nocturne, le Kiri-jin nonchalamment défroqué à peine sorti de la douche.
Posant ses semelles sur le pavé vétuste de la rue sans grande conviction, il se savait investi d'une tâche à exécuter sans vraiment arriver à mettre le doigt dessus. Soupirant en son for intérieur le Jônin spécial se mit en marche vers le cœur de la cité brumeuse, où il trouverait sûrement une occupation digne de son rang. Encore peu sûr de son équilibre à cause des vapeurs rémanentes de l'éthylisme dont il fit preuve tantôt, c'est les mains dans les poches et le regard vitreux qu'il avança en ligne droite sans prendre garde au bouillon de culture l'entourant.
« Oi Shinrei-san, vous écumez encore les rues à cette heure-là ? Loin de moi l'idée de vous ordonner quoi que ce soit, mais il me semblait que vous étiez assigné à trouver les jeunes prometteurs lors du tournoi d'aujourd'hui. » lui clama un subalterne jusque là occupé à négocier avec un marchant le prix de ses armes blanches propres aux ninjas en le voyant déambuler ainsi.
Haussant un sourcil tout en recollant les morceaux de souvenances disséminés dans sa caboche, le possesseur de l'Aiguille à Coudre acquiesça d'un rictus reconnaissant avant de continuer sa route au même pas faiblard. Après avoir cogité il se remit donc sur les rails du devoir, et quel devoir... Observer de jeunes moutards se tarter la nouille à coup de techniques non-létales n'avait absolument rien d'excitant mais bien obligé d'y mettre un peu du sien après différentes frasques qui aurait fait passer Pinocchio pour un vrai petit garçon et dont la direction avait eu connaissance, c'est résigné qu'il arriva bientôt dans l'arène de fortune près de l’académie.
À son arrivée, la parodie de tatami se targuait de deux mioches, l'un plus grand que l'autre qui n'avait visiblement aucune notion de contrôle puisqu'il éviscéra presque son comparse à l'aide d'une dague qui semblait faite de chakra glacé. Assez inhabituel pour qu'il le remarque, les effluves de son chakra paraissaient refroidir l'air ambiant. Il continua de suivre les belligérances tout en s'asseyant aux premières loges près de certains enfants les yeux lumineux de rêves piqués au vif par telle démonstration. La guerre avait eu lieu pour instaurer la paix et pourtant la jeune génération avait l'air assoiffée de démonstrations de force.
Le gagnant eut alors une étincelle d’extravagance, non-content d'avoir outrepassé les règles d'un combat dit amical. Après avoir levé les yeux vers l'assistance dans la direction de Kõsuke, il se mit à composer des mudras que le bretteur ne reconnut pas, et pour cause. L'incantation fit apparaître une large quantité de glace sculptée en un poignard le visant clairement. Encore dans le coltard, il ne dut son salut qu'à ses réflexes moteurs et l'expérience du danger, lançant Nuibari hors de portée du jutsu pour la planter dans la toiture et s'extirper de la zone de choc, la lame arrachant une parcelle de son pantalon en toile et lacérant peu gravement l'épiderme de son mollet. À bout portant, il aurait sûrement dû se servir de son attirail technique pour esquiver ou parer mais la distance entre eux servi de pare-choc.
Qui était cet insolent? Les informations se bousculaient au portillon. Un mioche qu'il avait corrigé au détour d'une rixe unilatérale? Un polisson à la recherche de sensations fortes? En guise de réponse, il arracha la pointe de son arme coincée dans la pierre et sauta d'un bon sur la rambarde, regardant de haut son assaillant.
« C'est quoi ton problème cabot? On t'a jamais appris qu'il fallait pas sortir ses cartes maîtresses sans raison? Et ça s'dit la relève, hein...? »
Ironique et dédaigneux à souhait, les iris noirs de l'épéiste de la Brume plantés dans le regard de son interlocuteur, il s'apprêtait à descendre au moindre mouvement brusque histoire d'apprendre à ce prétentieux quel était le prix à payer pour ce genre d'actes, mais ce fut sans compter que dans le public se trouvaient d'autres haut-gradés qui se feraient une joie de dénoncer un abus. Bien que l'envie ne lui manquait pas, il se contenta donc de s'accroupir sur ses appuis, la pointe de ses pieds sur la barre en fer, sa nuque émettant un grincement sec. Curieux de voir ce que le Genin avait encore dans sa besace. Savait-il au moins à qui il venait de chercher des noises? Il avait après tout, l'air plus insouciant que dangereux.