▬ Je suis rentré ! … Oh. C'est quoi ça ? Pourquoi on a un nouveau frigo ? L'ancien marche encore, non ?
Quelques heures plus tard.
▬ QUOI ?!
Au risque de passer pour un enfant capricieux – ce que je suis –, ce qui m'arrive n'est pas juste ! Je m'explique ; Depuis ma promotion au rang de genin, mes parents font tout pour me responsabiliser. Selon eux il faut impérativement que je devienne grand et cela passe par subvenir à mes besoins naturels sans l'aide d'autrui. Une des conséquence directe de cet obscur délire parental est la suivante : Je dois gagner de l'argent et remplir moi-même ce nouveau frigo qui est le mien. Et croyez-moi, ce n'est pas une mince affaire ! Parce que oui, mine de rien les sucreries et autres fruits exotiques, ça coûte un bras. C'est donc dans le but de « gagner ma vie » – et surtout de manger ce soir – que j'ai fait part au bureau du Kage de ma volonté de partir assez vite en mission. Entre nous, je me fiche complètement de savoir où ils vont m'envoyer ! Tant que j'obtiens quelques ryos en récompense, tout me convient. Garder des enfants, sauver un chat, aider X ou Y à faire je ne sais trop quoi : S'il y a de l'oseille au bout, je suis votre homme !

Les choses étant plutôt bien faites, on me trouve un boulot en moins de deux. Je dois nettoyer la plage et aider les poulpes à regagner la mer. À première vue ça n'a pas l'air d'être la tâche la plus ardue qu'il m'ait été donnée de faire. Soixante ryos pour pareil travail, ce n'est pas énorme mais c'est toujours ça de pris. Si je bosse bien, en deux ou trois heures, l'affaire sera réglée et je pourrais manger à ma faim pour les prochains jours. Effectivement, après un savant calcul, j'ai déterminé qu'avec la rondelette somme de soixante ryos je pourrais acheter pas moins de 20 kilos de bananes ce qui est, à n'en pas douter, assez pour ce soir !

C'est sur ces méditations d'une profondeur infinie que je me rends là où se déroulera la mission d'aujourd'hui, à savoir à la plage. Aucun être humain à l'horizon et pour cause : les poulpes ont envahis les lieux. Le sable d'accoutumé banc et fin est actuellement noir et gras.
▬ Ah … D'accord.
Je me sens soudainement comme arnaqué. Je m'attendais à ce qu'il y ait deux ou trois mollusques et quelques traces ci et là à laver mais non. Bien sûr que non ! Ce serait beaucoup trop simple. La plage est noire et les poulpes sont nombreux. Ma flemmingite aiguë me pousse à abandonner cette mission mais mon ventre me le déconseille. Ce sera plus long que prévu mais qu'à cela ne tienne.
▬ Mh. Par quoi je commence.
En voilà une bonne question. La zone a nettoyer est vaste, j'aurais bien besoin d'aide. Heureusement, je sais qui sera susceptible de m'aider. Mon allié des premières heures, un soutien indéfectible, mon camarade de toujours, une salamandre fidèle et fiable. Je veux bien entendu parler de mon bon Popo. Sans plus attendre, je me coupe volontairement le doigt afin de faire sortir de ce dernier quelques gouttes de liquide pourpre nécessaires à l'exécution de la technique. Je plaque ensuite ma dextre ensanglantée sur le sol et patiente un petit instant. D'un nuage de fumée jaillit le fameux Popo dont j'ai fait l'éloge précédemment. Là encore, je ne perds pas de temps et explique de suite à l'amphibien la raison pour laquelle je l'ai fait venir ici.
▬ J'ai besoin de toi, je dois nettoyer cette plage et renvoyer les poulpes à la mer, partant ?
▬ Nope. Allez salut.
Un nouveau nuage de fumée apparaît et, aussi vite qu'il est apparu, Popo s'en est allé. Cette satanée salamandre en carton va me rendre chèvre. Et moi qui pensais qu'elle me serait utile pour une fois. Je me suis bien planté.  
▬ Bon bah puisque c'est comme ça.
Je lâche un soupire et me retrousse les manches. Lâcher l'affaire me tente sérieusement mais si mes parents l'apprennent ils me réprimanderont, pour sûr. De plus, je serais la risée du village si j'abandonne une mission de rang D. Comme dit Oroï sensei lors de ses phases poético-dépressives :
« C'est long, c'est dur, c'est chiant mais c'est la vie. »

À deux mètres de moi se trouve un petit poulpe perdu. Puisqu'il faut bien commencer quelque part, je décide de remettre à l'eau notre ami le mollusque. Sans gants ni aucun ustensile particulier, je le prends par la patte et le traîne jusqu'à l'eau.
▬ Allez mon grand. T'as suffisamment fait joujou dehors. Retourne chez toi.
Je tente de lancer l'animal au loin, sans grand succès. La bestiole s'est attachée à moi.
▬ Va ! Allez, lâche moi. Uhuh. Arrête ça.
Je fais de grands mouvements avec mon bras mais rien y fait, elle tient la sale bête ! Pire, elle parvient à lier une autre de ses pattes à mon bras.
▬ Stop ou je te bouffe ! Tu m'entends ? STOP.
Certes il est dit dans l'ordre de mission que je ne dois pas faire de mal à ces poulpes mais, entre nous, comment pourront-ils s'assurer que j'ai effectivement bien remis les mollusques à la mer ? Cela m'étonnerait qu'un observatoire dénombre chaque jours ces « choses » ! En outre, pourquoi suis-je en train de travailler ? Pour remplir mon frigo ! Et, qu'on se le dise, les poulpes ça se mange. C'est même plutôt pas mauvais. Une idée germe doucement dans ma tête et un sourire se dessine sur mon visage.
▬ Tu l'auras voulu ! MANGER.
Je m'apprête à mordre le mollusque – oui oui, il est cru mais cela ne me dérange pas – quand ce dernier me jette de l'encre à la figure. Cela m'aveugle quelques secondes, je trébuche et – lors de la chute –, le poulpe me lâche la grappe. Cette mission commence sérieusement à m'énerver. Je vais rappeler Popo et supplier celui-ci de bien vouloir m'aider car il me semble évident que là je ne m'en sortirai pas seul.
Je réitère donc le processus d'invocation et à peine la salamandre arrivée, je lâche un :
▬ Aide moi, je t'en prie. C'est compliqué de faire ça seul et regarde, j'ai même de l'encre sur la tête !
L'amphibien rit un bon coup et finit par avoir pitié de moi. Il va m'aider.
▬ Merci ! Allez, je te laisse travailler !
▬ Hop hop. Minute jeune homme. Je t'aiderai parce que tu es bête comme une limace mais ne crois pas que je vais tout faire à ta place. Tu m'as bien vu ? Je suis trop petit pour porter ces poulpes et puis je n'ai pas de bras. Je t'aiderai à nettoyer les déjections mais tu dois d'abord remettre ces mollusques dans leur état naturel. Prends les par la tête. Ils n'ont pas de ventouses à cet endroit et s'il crachent de l'encre, eh bien … Tant pis. Je nettoierai derrière toi.
Dans un premier temps, je pars me débarbouiller le visage puis m'empare d'un poulpe qui traînait là.  Prendre ces choses par la tête est m'écoeur  mais je dois avouer que Popo a raison : c'est la meilleure façon de faire. Dans cette position, le poulpe ne parvient pas à me toucher avec son encre et ses pattes, bien que longues, ne lui permettent pas de me coller.
▬ Malin le Popo.
▬ Hé hé. Qu'est-ce tu crois. Y'en a dans la caboche. Allez, t'as du boulot et j'ai pas envie de rester là des heures, grouilles-toi.
Il a raison. Maintenant que j'ai assimilé la méthode, je peux accélérer le mouvement. Je prends les poulpes deux à deux et les jette à la mer. Certains de ces céphalopodes sont bien cachés – l'un d'eux s'était enterré dans le sable – mais au bout d''une bonne heure je parviens à tous les envoyer dans l'eau. La plage n'est pas propre pour autant et ma mission n'est pas terminée. Il me faut encore nettoyer. Car s'il est vrai que Popo est « passé » derrière moi, il est faux de croire qu'il a rendu à cette plage sa beauté d'origine.

N'étant pas maître dans l'art du ninjutsu – et ne maîtrisant pas le Suiton – la tâche est fastidieuse mais avec l'aide de Popo – qui lui en revanche est capable de sécréter de petites quantités d'eaux –, nous parvenons à nettoyer les déjections. Cela nous aura au final bien pris deux heures à nous deux.
Fichue mission.