Le bistrot de la patte d'aigle était un endroit que Seiryu n'avait pas encore visité. A son plus grand étonnement, ce lieu avait le mérite d'être convivial. Un sentiment de tranquillité l'avait parcouru à peine entré dans le bistrot. Les dires disaient que la clientèle était majoritairement composée de ninjas, mais ce n'étaient que des rumeurs. Des gens de tout âge profitaient de l'après-midi et mangeaient allègrement leur repas. Seiryu était seul à une table. Son regard était tourné vers la sortie. Il attendait avec une impatience non dissimulée l'apparition de son meilleur ami. A vrai dire, le garçon était arrivé avec une quinzaine minutes d'avance, par crainte de ne pas trouver en temps et en heure l'emplacement du bistrot. Il s'était juré d'avoir toujours de l'avance depuis qu'il avait manqué d'arriver en retard à la réunion de l'équipe Ryuugu. Cependant, Daisuke n'était pas connu pour sa ponctualité. A coup sûr, il serait ici avec dix minutes de retard. Un serveur arriva, avec un sourire sur les lèvres. Seiryu avait appris à reconnaître l'hypocrisie.
Il en avait bouffé au cours de son existence. Ses professeurs qui lui disaient qu'ils étaient un enfant sympathique et plein d'entrain, plutôt que de souligner ses défauts. Ses parents ne l'avaient pas non plus bousculer. Ils l'avaient au contraire plonger dans leur amour, dans un cocon protecteur. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il ait la dégaine d'un froussard, de quelqu'un qui n'a pas eu à se surpasser une seule fois dans sa vie. Seiryu observa l'employé d'un regard morne et ne lâcha aucun mot. Il voulait savoir pourquoi cet homme était venu le voir, alors qu'il demeurait sagement à sa table.
▬ Bonjour, jeune homme. Comptez-vous commander quelque chose ? La salle est bondée. Êtes-vous sûr de rester ?
L'apprenti ninja fit non de la tête. Il préférait attendre l'arrivée de son camarade avant de prendre à manger. Les yeux du serveur glissèrent en direction d'une famille en train de chercher une table de libre. Le cerveau de Seiryu fit immédiatement le lien. Les places étaient toutes occupées et une en particulier comportait un gamin aux cheveux blancs et seul. Seiryu comprit qu'il devait soit prendre quelque chose, soit céder son siège. Il songea aussi à souligner le manque de courtoisie et de finesse du serveur pour avoir suggéré à son jeune client qu'il devait quitter le bistrot. Cependant, comme à son habitude, le jeune homme garda la tête basse et se leva sans dire un mot. Il se dit qu'il n'avait pas le cœur à se battre verbalement avec quelqu'un. Peut-être qu'il n'avait tout simplement pas de caractère. Seiryu marcha, en se faisant bousculé par les enfants impatients de la famille au passage, en direction de la sortie du bistrot. Il soupira, jeta un regard à l'extérieur et constata que Daisuke n'était pas dans les environs. Quelle déception. Il n'était plus certain d'attendre son ami. Sa mère allait faire des lasagnes ce soir-là. Alors qu'il était en train de débattre le pour et le contre, son attention se tourna vers un visage familier.
Une jeune femme qu'il n'avait pas vu depuis un certain temps. Elle faisait parti de son équipe. Son nom prit quelques minutes avant de revenir dans son esprit. Himeru Nora. Il se rappelait de son flegme apparent. Elle lui était apparue aux premiers abords comme une kunoichi qui n'avait pas vraiment sa place dans le monde des shinobis. Au contraire de Jun qui débordait d'énergie, la genin n'avait pas l'air d'avoir de la volonté. Elle semblait être accablée par sa vie. Seiryu, qui voulait s'occuper l'esprit, décida d'aller à sa rencontre. Il fit coucou de la main. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres.
▬ Salut. Comment vas-tu ? Tu m'as l'air en forme. En même temps, tu n'avais pas fait grand chose la dernière fois.
Seiryu ne se rendit pas compte qu'il avait choisi les mauvais mots pour demander des nouvelles. Il avait presque souligné l'inutilité de sa camarade lors de leur "entraînement" avec Gwon-Ryong. En vérité, il était rassuré de constater que Nora n'ait pas été blessé ce jour-là. Seiryu avait goûté aux techniques de leur senseï et ces dernières avaient failli le traumatiser à vie. Toujours souriant, il regarda l'horizon, en se demandant si Daisuke arriverait sous peu. |